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En 2018, le monde assistait au début d’une guerre commerciale sans précédent entre les États-Unis et la Chine. Augmentation des droits de douane, menaces réciproques, tensions diplomatiques : ce conflit a rappelé que le commerce international peut devenir une véritable arme économique.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’une guerre commerciale ? Le mot « guerre » renvoie ici à une vision de conflit et d’opposition entre plusieurs pays. Cet affrontement ne se traduit non pas par des bombardements, mais par des mesures économiques visant à affaiblir son adversaire sans pour autant entrer en guerre militaire avec celui-ci. Une guerre commerciale est souvent la représentation d’un protectionnisme exacerbé qui incite une limitation des importations et une surenchère des mesures protectionnistes aux détriments du commerce international.
Dans un contexte actuel, les Etats-Unis ont déclaré une véritable guerre commerciale contre le monde entier y compris leurs alliés les plus proches comme l’Europe et le Canada. Cet affrontement découle d’une idéologie protectionniste promue par l’administration de Donald Trump. Malheureusement, l’histoire nous a montré qu’il n’y a aucun vainqueur dans une guerre commerciale, les seules conséquences de l’augmentation des taxes douanières sont une montée de l’inflation, une chute des échanges internationaux et un effet boule de neige sur tous les pans de l’économie.
Le recours au protectionnisme soulève alors des interrogations profondes : Pourquoi les États choisissent-ils de s’affronter économiquement ? Quels instruments utilisent-ils ? Et surtout, quels sont les impacts de ces conflits commerciaux sur la croissance, les entreprises, les consommateurs et les équilibres globaux ?
Cet article propose d’explorer les origines des guerres commerciales, leurs mécanismes, ainsi que leurs répercussions économiques à l’échelle mondiale.
1. Les causes des guerres commerciales
Les guerres commerciales ne sont pas toujours déclenchées par les mêmes raisons, elles peuvent être causées par des déséquilibres commerciaux qui durent dans le temps, par des motivations politiques et stratégiques, ou par une volonté de souveraineté économique.
A. Les déséquilibres commerciaux persistants
En temps de guerres commerciales, une des données favorites arborées par les belligérants est la balance commerciale. Cet indicateur met en perspective les importations et les exportations d’un pays vers un autre. Des importations plus importantes que les exportations se traduiront par un déficit commercial alors que le contraire donnera un excédent commercial. Ce paramètre est souvent donné comme justification du déclenchement d’une guerre commerciale car le pays subissant un déficit juge cette différence comme une concurrence déloyale.
La politique protectionniste de Trump en est un exemple concret. L’objectif étant de démontrer que les Etats-Unis sont largement déficitaires par rapport à ces partenaires commerciaux, octroyant alors le droit aux États-Unis de riposter en appliquant des taxes douanières censées rétablir un équilibre commercial.
B. Les motivations politiques et stratégiques
Au-delà des considérations économiques, les guerres commerciales sont souvent instrumentalisées à des fins politiques. Les gouvernements peuvent y recourir pour asseoir leur autorité en interne ou renforcer leur position sur la scène internationale.
En période électorale, certaines forces politiques exploitent la thématique de la « défense de l’emploi national » pour justifier des mesures protectionnistes. Donald Trump, par exemple, a largement utilisé la rhétorique du « America First » pour imposer des droits de douane, particulièrement envers la Chine et l’Union européenne.
Ces stratégies visent à montrer une posture de fermeté face à l’étranger, mais elles peuvent aussi déclencher des représailles et fragiliser la coopération internationale.
C. Les enjeux de souveraineté économique
Avec la mondialisation, de nombreux pays ont vu des pans entiers de leur industrie se délocaliser à l’étranger, souvent pour des raisons de coûts. Cette dépendance accrue envers des fournisseurs étrangers, notamment pour des biens stratégiques comme les semi-conducteurs, les médicaments ou les technologies de pointe, a suscité une volonté croissante de « relocaliser » la production.
Les guerres commerciales peuvent ainsi être perçues comme un outil pour reconquérir une certaine souveraineté économique. En imposant des barrières tarifaires ou en subventionnant certaines filières, les États tentent de protéger leurs industries critiques et de réduire leur exposition aux risques géopolitiques.
La pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont renforcé cette logique, poussant de nombreux pays à repenser leurs dépendances commerciales et à adopter une posture plus défensive.
2. Les mécanismes et instruments des guerres commerciales
Les guerres commerciales ne prennent pas toujours la même forme et n’utilise pas les mêmes instruments. La forme la plus « douce » consiste à imposer des droits de douanes et des quotas sur certains produits importés alors que des mesures plus « dures » peuvent être appliquées comme un embargo.
A. Les droits de douanes et quotas
Les droits de douane sont sans doute l’instrument le plus emblématique des guerres commerciales. Ils consistent à taxer les produits importés afin d’en augmenter le prix, rendant ainsi les produits nationaux plus compétitifs sur le marché intérieur. Cette mesure vise à protéger les industries locales en décourageant les importations jugées nuisibles à l’économie nationale.
À titre d’exemple, lors du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, l’administration Trump a imposé des tarifs douaniers sur plus de 360 milliards de dollars de produits chinois. En réaction, la Chine a appliqué des droits similaires sur les biens américains.
Les quotas, quant à eux, limitent le volume ou la valeur de certaines importations. Bien que moins fréquents, ils ont été utilisés dans des secteurs sensibles, comme l’automobile ou le textile, pour réguler la concurrence étrangère.
B. Les sanctions économiques et embargos
Dans certains cas, les guerres commerciales prennent la forme de sanctions économiques ou d’embargos, souvent motivés par des considérations géopolitiques ou diplomatiques. Ces mesures consistent à restreindre, voire interdire totalement, les échanges avec un pays ciblé.
Par exemple, les États-Unis ont imposé de lourdes sanctions à l’encontre de l’Iran, limitant ses exportations de pétrole, afin de faire pression sur son programme nucléaire. De même, la Russie a été visée par une série de sanctions économiques occidentales depuis l’annexion de la Crimée en 2014, intensifiées après l’invasion de l’Ukraine en 2022.
Ces instruments ont un impact économique considérable, non seulement pour le pays visé, mais aussi pour ses partenaires commerciaux, les entreprises multinationales et les marchés financiers.
C. Les mesures non-tarifaires : un protectionnisme plus subtil
Au-delà des taxes et des sanctions, les guerres commerciales peuvent également prendre des formes plus discrètes, dites « non tarifaires ». Il s’agit de normes techniques, sanitaires, environnementales, ou encore de subventions publiques qui compliquent l’accès des produits étrangers au marché domestique.
Par exemple, un pays peut exiger que les produits importés respectent des normes environnementales strictes ou imposer des contrôles sanitaires rigoureux qui ralentissent les échanges. Ces barrières réglementaires peuvent être utilisées stratégiquement pour favoriser les producteurs locaux, tout en restant conformes — du moins en apparence — aux règles du commerce international.
Les subventions à certaines industries (comme l’agriculture ou les énergies renouvelables) constituent également une forme de protectionnisme déguisé, souvent dénoncée par les partenaires commerciaux comme une distorsion de concurrence.
3. Les conséquences économiques à l’échelle mondiale
Les guerres commerciales non pas seulement des répercussions sur les pays belligérants mais sur le monde entier. La mondialisation a interconnecté chaque partie du monde, il se crée alors un effet domino sur toutes les économies, et cet effet est encore plus visible lorsque des grandes puissances comme la Chine ou les Etats-Unis sont impliqués.
A. Ralentissement de la croissance économique mondiale
L’un des effets les plus immédiats des guerres commerciales est le ralentissement de la croissance économique mondiale. Lorsque les échanges sont entravés par des droits de douane, des sanctions ou des restrictions diverses, les entreprises réduisent leurs investissements, freinent leurs projets d’expansion, et adoptent une attitude plus prudente face à l’incertitude.
Le Fonds monétaire international (FMI) a estimé que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine avait coûté près de 0,8 point de croissance au PIB mondial entre 2018 et 2019. Les tensions commerciales créent un climat d’instabilité qui affecte particulièrement les pays en développement, souvent très dépendants des exportations pour soutenir leur croissance.
B. Perturbation des chaines de valeur mondiales
Dans un monde où la production est fragmentée entre plusieurs pays, les guerres commerciales viennent désorganiser les chaînes d’approvisionnement internationales. Une entreprise qui assemble des smartphones en Asie, par exemple, peut se retrouver pénalisée par une hausse des droits de douane sur les composants importés des États-Unis ou d’Europe.
Cette situation pousse de nombreuses multinationales à reconfigurer leurs chaînes de valeur, en relocalisant certaines activités ou en diversifiant leurs sources d’approvisionnement. Si cela peut, à long terme, renforcer la résilience économique, cela engendre à court terme une augmentation des coûts de production, une baisse des marges et des tensions logistiques accrues.
C. Effets sur les consommateurs et l’emploi
Les répercussions des guerres commerciales ne se limitent pas aux entreprises ou aux États. Les consommateurs en subissent également les conséquences, notamment à travers la hausse des prix. Lorsqu’un pays impose des taxes sur des biens importés, ce sont souvent les consommateurs finaux qui en paient le prix, que ce soit sur les produits électroniques, alimentaires ou vestimentaires.
De plus, certains secteurs économiques deviennent vulnérables face aux mesures de rétorsion étrangères. Une industrie exportatrice fortement ciblée par des sanctions ou des quotas peut connaître une baisse d’activité, entraînant des licenciements ou des fermetures d’usines. Ainsi, loin de « protéger l’emploi national » comme le promettent souvent les discours protectionnistes, les guerres commerciales peuvent au contraire en détruire dans les secteurs exposés.
Conclusion
À l’heure où l’économie mondiale repose sur l’interdépendance des nations, les guerres commerciales apparaissent comme un retour en arrière aux logiques nationalistes et protectionnistes du passé. Motivées par des intérêts politiques, des déséquilibres économiques ou des enjeux de souveraineté, ces tensions perturbent le bon fonctionnement des échanges internationaux, freinent la croissance, désorganisent les chaînes de valeur et pénalisent autant les entreprises que les consommateurs.
Si les mesures protectionnistes peuvent sembler séduisantes à court terme pour défendre certains secteurs ou rééquilibrer une balance commerciale, leurs effets collatéraux sont souvent bien plus coûteux que prévu. Dans un monde confronté à des défis communs (changement climatique, crises sanitaires, instabilité géopolitique), la coopération économique reste plus que jamais essentielle.
Face à ces enjeux, le rôle des institutions internationales comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est crucial pour favoriser le dialogue, prévenir les conflits commerciaux et garantir un cadre équitable d’échange entre les nations. Car au fond, la stabilité économique mondiale ne peut reposer sur la confrontation, mais sur la négociation et la construction de règles communes.