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Depuis plusieurs années, le dark trading connaît une ascension fulgurante, atteignant des niveaux record. En janvier 2025, plus de 51 % des échanges aux États-Unis se sont déroulés hors des marchés publics, illustrant l’essor des dark pools. Pourtant, ces plateformes de trading alternatives restent largement méconnues du grand public. À la croisée de la finance institutionnelle et de la régulation des marchés, elles suscitent autant de fascination que de controverses.
Dans cet article, nous plongerons au cœur de cet univers discret pour répondre à plusieurs questions essentielles : Qu’est-ce qu’un dark pool ? Comment fonctionne-t-il ? Quelle est son histoire ? Qui en sont les principaux acteurs ? Et surtout, quel impact la montée en puissance de ces marchés cachés peut-elle avoir sur la finance mondiale ?
1. Qu’est-ce que sont les dark pools ?
Les dark pools sont comme leur nom l’indique des systèmes d’échanges privés d’actifs de gré à gré, ils font partis des systèmes d’échanges alternatifs. Cet intitulé prend son origine du manque de transparence de ce type marché. Leur définition implique trois points fondateurs étant la confidentialité des échanges, la valeur des échanges et leurs acteurs.
Cette confidentialité qui se compare souvent à une opacité est propre à ces marchés, c’est une des principales raisons de leur existence. Ce paramètre a pour objectif de ne pas divulguer les détails des transactions, en particulier le prix et le volume, avant que la transaction finale soit exécutée et confirmée. Contrairement aux échanges en bourse, dans les dark pools il n’y a aucun carnet d’ordres visible et consultable publiquement. Cela permet à certains investisseurs de ne pas divulguer leurs intentions durant la recherche d’un acheteur ou d’un vendeur. L’objectif est d’éviter les impacts que des échanges importants peuvent avoir sur le marché posant des problèmes sur le pricing et provoquant des surréactions d’anticipation.
La valeur des échanges est aussi une des caractéristiques de ce type de marché et est directement lié à ses acteurs. Ces échanges prennent généralement place en utilisant du « block trading » c’est-à-dire un outil qui permet de gérer des positions importantes sans affecter le marché. Les acteurs de ces « trades » sont dans la grande majorité institutionnels dû au montant des échanges mais aussi à la complexité et l’exclusivité de ces systèmes d’échanges privées.
Un autre avantage des dark pools est la prédictibilité des transactions car les négociations prennent forme avec des prix prédéterminés. Cela assure aux traders un échange dans des conditions prévues à l’avance avec une volatilité fortement diminué voire inexistante.
Ces marchés exclusifs ont aussi de nombreux défauts, le premier étant un manque de transparence qui s’oppose à une valeur fondamentale des marchés boursiers, la libre circulation des informations et leur assimilation garantissant un marché efficace. Cette asymétrie peut engendrer des problèmes notamment si une grande partie des transactions se produisent sur des darks pools, puisque le prix sur les bourses publiques pourrait ne pas refléter le marché réel.
L’accès exclusif et privé des darks pools créent une prépondérance pour des conflits d’intérêts et des risques de manipulation. En effet, en cas de divergences d’intérêts, une institution serait susceptible d’occulter volontairement le prix réel du marché. Certains acteurs peuvent aussi mettre en place des pratiques frauduleuses comme surcharger les dark pools avec des fausses offres (quote stuffing) ou exploiter des latences dans l’exécution des ordres pour en tirer un avantage.
2. L’histoire du marché de l’ombre de la finance.
L’histoire des dark pools débute aux Etats-Unis dans les années 1990, lorsque les grandes institutions financières du pays cherchaient à réaliser des transactions aux volumes importants tout en affectant le marché public le moins possible. Sur les plus grandes bourses américaines (NYSE et NASDAQ) un ordre trop volumineux pouvait entraîner un effet de marché, faisant fluctuer les prix avant même que l’ordre ne soit exécuté.
Pour éviter ces défauts de marché, les banques d’investissements ont mis en place des systèmes appelés « block trading desks » permettant aux grandes institutions de négocier directement entre elles en dehors des marchés boursiers classiques.
Le début des années 2000 voit les dark pools se multiplier grâce à l’essor du trading électronique et à la fragmentation du marché. Leur consécration arrivera en 2005 aux Etats-Unis lorsque la réglementation américaine Regulation NMS (National Market System) favorise leur expansion en rendant plus facile la fragmentation des transactions entre différentes plateformes alternatives. Le résultat fût celui escompté puisque le volume d’échange dans les dark pools a explosé.
Après la crise des subprimes, le début des années 2010 a été marqué par des controverses et de nombreuses critiques. Le succès grandissant de ces marchés alternatifs a attiré l’attention des régulateurs et des médias financiers. Les reproches les plus souvent mentionnés sont les avantages du trading haute fréquence (HFT) dans ce type d’environnement. Certaines firmes de HFT ont été accusées d’avoir un accès privilégié à l’information des ordres exécutés dans les dark pools, leur permettant d’exploiter des opportunités aux dépens d’autres investisseurs.
Ces controverses ont été le sujet de nombreuses enquêtes et même de sanctions. En 2016, Barclays et Credit Suisse ont passé un accord avec le gendarme de la bourse américaine, la SEC (Securities and Exchange Commission), afin de solder un litige concernant leurs dark pools. Les deux établissements bancaires ont dû payer 154,3 millions de dollars après avoir manqué à leur obligation d’informer les clients sur le fonctionnement de ces marchés. Barclays aurait aussi trompé des investisseurs en affirmant qu’ils seraient protégés des manœuvres hostiles des traders à haute fréquence.
Face à ces critiques, les régulateurs américains, européens et asiatiques ont imposé des règles plus strictes sur les dark pools. En Europe, MiFID II (2018) a introduit des limitations sur le volume des transactions dans les dark pools pour éviter qu’ils ne cannibalisent trop les marchés publics.
Malgré cette régulation accrue, les dark pools continuent d’être un outil clé pour les investisseurs institutionnels et leur part de marché ne cesse d’augmenter.
3. Ses multiples acteurs !
Les dark pools sont mis en place par différents acteurs du monde financier. Tout d’abord, il y a les dark pools des banques d’investissement et des courtiers institutionnels. Ces acteurs possèdent leurs propres marchés afin d’exécuter les ordres de leurs clients ou leurs propres transactions, ils sont principalement utilisés par des fonds institutionnels (fonds de pension, Hegde funds, gestionnaires d’actifs) pour passer des ordres volumineux en toute discrétion. Les principaux sont Sigma X de Goldman Sachs, MS Pool de Morgan Stanley ou encore JPM X de J.P. Morgan.
Certaines grandes bourses traditionnelles proposent aussi leurs propres dark pools pour capter une partie de cette liquidité alternative. Comme exemple de dark pools opérés par des bourses, il y a NYSE dark pool, NASDAQ PSX ou encore BATS dark pool.
D’autres bourses alternatives ont aussi émergé pour profiter de ce marché grandissant et offrir un accès anonymisé à certaines liquidités. L’objectif des institutions passant par ce type de dark pool est d’éviter la volatilité des marchés publics. Les acteurs les plus importants sur ce segment sont Liquidnet et Instinet.
Enfin, on ne peut pas évoquer les dark pools sans penser aux firmes de trading haute fréquence (HFT). Certaines de ces entreprises exploitent ou participent activement aux dark pools avec l’objectif de capter la liquidité et arbitrer les différences de prix entre les marchés publics et privés. Ces firmes utilisent des algorithmes ultra-rapide pour détecter des opportunités de trading dans les dark pools. Elles sont souvent critiquées pour leur impact potentiellement négatif sur l’équité du marché. Quelques exemples de firmes de HFT présentent dans les dark pools sont Citadel Securities, Virtu Financial ou encore Jump Trading.
Conclusion
Pour conclure, les dark pools ont de nombreux avantages mais aussi de nombreux défauts qui sont parfois prédominant et précurseurs de leur régulation.

L’essor des dark pools illustre la transformation des marchés financiers vers une structure plus fragmentée, où la confidentialité et l’efficacité des transactions sont privilégiées aux dépens de la transparence. Si ces plateformes offrent des avantages indéniables aux investisseurs institutionnels, elles posent également des défis en matière de régulation, d’équité et d’intégrité des marchés. La montée en puissance du trading algorithmique et des firmes de haute fréquence soulève ainsi des questions sur l’avenir de ces marchés parallèles et sur leur impact à long terme.
Avec des régulations comme MiFID II en Europe et une surveillance accrue aux États-Unis, le cadre juridique autour des dark pools pourrait encore évoluer pour limiter les abus tout en préservant leur rôle dans l’écosystème financier. L’émergence des technologies blockchain et de la tokenisation des actifs pourrait-elle offrir une alternative plus transparente aux dark pools ? L’avenir des marchés financiers se jouera probablement dans un équilibre entre innovation et réglementation, où la recherche de liquidité et d’efficacité devra composer avec les impératifs de transparence et de stabilité.